Depuis 2020, l’AMHG vous invite à faire connaissance avec un cadre/manager hospitalier du secteur public ou privé de l’archipel guadeloupéen.
Aujourd’hui nous allons à la rencontre de,
Hugues ISAAC
Cadre de santé paramédical
Unité d’hospitalisation temps plein de secteur G06/EPSM de la Guadeloupe
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1 – AMHG : Pouvez-vous nous présenter votre service ?
Il convient tout d’abord de préciser que l’organisation publique de la santé mentale en Guadeloupe ne déroge pas au principe de la sectorisation.
Ainsi, le service intra hospitalier du secteur G06 de l’Établissement Public de Santé Mentale de la Guadeloupe accueille en priorité les résidants du Nord Grande- Terre, du Moule, de Saint-François et de la Désirade. Néanmoins, cette unité d’hospitalisation à temps plein est une zone refuge pour tous les adultes qui ont besoin d’un peu de répit dans leur voyage vers le Rétablissement.
C’est un service « fermé » doté d’une capacité d’accueil de 30 lits qui permet et souhaite privilégier l’hospitalisation en soins libres. Il est situé au niveau du site adulte Grande Terre de l’EPSM-G près du CHUG.
Dans cet environnement, j’ai le privilège de collaborer avec des psychiatres, des psychologues, des assistantes sociales, des assistantes médico-administratives, des infirmiers, des aides-soignants ainsi que des agents hospitaliers. L’équipe pluridisciplinaire impliquée, enthousiaste, dynamique accompagne des patients souffrant d’affections mentales très variées. Toutefois, les diagnostics principaux sont la schizophrénie, les troubles délirants et les troubles de l’humeur.
2 – AMHG : Parlez-nous de votre parcours professionnel
Durant mes études de droit à l’UFR des sciences juridiques et économiques de la Guadeloupe, j’ai découvert le monde de la santé en qualité de pompier volontaire. En effet, à l’occasion de nombreuses interactions avec les soignants du SMUR ou encore des Urgences, j’ai été séduit par les soins infirmiers.
Pour des raisons familiales et économiques, j’ai d’abord envisagé de me former en qualité d’aide soignant avec les Hôpitaux de Paris en 2002. Après avoir exercé succinctement à l’Hôpital Jean-Verdier puis durant quatre ans au Centre Gérontologique du Raizet (CHGR) comme aide-soignant, j’ai ressenti le besoin d’explorer d’autres champs de l’accompagnement des patients en milieu hospitalier.
Ainsi, de 2008 à 2011, j’ai effectué des études en soins infirmiers à l’IFSI du CHUG. De retour de formation et jusqu’en 2016, les résidents du CHGR ont bénéficié de mes services en qualité d’infirmier.
Cependant, ma démarche réflexive sur ma contribution à l’amélioration de l’offre de soins aux aînés mais aussi à mes concitoyens me confortait dans la nécessité d’une évolution. C’est donc en concertation avec ma direction de l’époque que j’ai concrétisé mon projet professionnel en intégrant en 2016 l’institut de formation des cadres du CHRU de Lille. A l’issue de cette année de formation très enrichissante, j’ai pu obtenir également à l’Université de Lille 2 un master en « Management Sectoriel » dans le domaine de la santé.
Dés lors, après avoir managé l’équipe des Urgences psychiatriques durant trois ans, j’éprouve depuis février 2021, un grand plaisir à cheminer aux cotés des professionnels du G06 « Intra ».
3 – AMHG : Comment avez-vous construit votre projet ?
Je ne saurai définir avec précision l’élément déclencheur qui m’a conduit à ce projet professionnel. En revanche, je suis convaincu qu’il est l’aboutissement d’un parcours de vie scolaire, sportif et associatif où j’ai systématiquement été identifié par mes pairs comme un référent ou un leader. Sans aucun doute, je reconnais aussi l’impact d’une éducation valorisant le respect de l’humain, de l’altérité et le fait d’assurer et d’assumer ses responsabilités.
En outre, je sais que ma projection en qualité de manager a germé au CHGR avec mon analyse constante de notre système de santé et de l’offre de soins en Guadeloupe notamment. En effet, déjà à l’école d’aide-soignant, les formatrices m’incitaient à envisager le management en raison de mes nombreuses interventions et réflexions sur l’organisation de la santé en général. Par ailleurs, mon implication transversale au sein des différentes instances du CHGR a contribué à enrichir ma connaissance des organisations. En outre, j’ai voulu apporter ma contribution en proposant une nouvelle organisation institutionnelle en faveur de la gestion des projets de vie de nos ainés. Cette proposition a reçu un écho favorable auprès de la direction de l’établissement qui m’a alors questionné sur mon projet professionnel. Toutefois, je n’ai pas eu l’opportunité de prendre une part active au pilotage du projet qui a rencontré une forte opposition de certains acteurs.
C’est ce regard externe qui ma incité à parfaire mon introspection et ma projection. C’est aussi cette frustration de ma participation limitée et mon incompréhension de ce que je qualifiais alors de « résistance au changement » qui m’ont aidé à reconnaître mon besoin de formation.
Ainsi, en faisant le bilan de mon parcours de vie, j’ai pris conscience de l’évidence de mon projet pour moi mais aussi pour ceux qui m’accompagnaient et m’observaient.
4 – Votre vision managériale est-elle la même aujourd’hui ? Pourquoi ?
Je n’ai pas eu l’opportunité de faire fonction de cadre, mais j’ai beaucoup observé mes managers en me faisant une idée des exemples et des contre-exemples. Pourtant, la réalité du terrain m’a aidé à nuancer mes opinons.
Aussi, au début de ma formation et même durant mes premières années d’exercice au sein des Urgences psychiatriques, ma vision managériale était conditionnée par les dispositions du décret du 18 août 1995 mais également par mon expérience professionnelle et par ma personnalité.
Le cadre de santé était à mes yeux, similaire à un chef d’orchestre qui permet à chaque musicien de jouer sa partition pour obtenir une mélodie harmonieuse.
Tout comme le chef d’orchestre, il est un expert, un garant de la cohésion et de la qualité et surtout du respect des droits des usagers. Avec ses sensibilités et donc sa personnalité, je le percevais comme un encadrant qui assume ses responsabilités vis à vis des patients, de sa hiérarchie et de l’équipe pluridisciplinaire.
Aujourd’hui, ma vision s’est étoffée grâce à ma démarche réflexive au sujet des interactions et des organisations et aussi grâce aux échanges avec mes collègues managers.
En effet, dans notre environnement sanitaire dynamique, cette vision dépasse le contexte de l’organisation pyramidale avec ses injonctions au profit d’une organisation qui identifie chaque acteur de l’institution comme un expert.
Je m’identifie donc à un animateur, à un facilitateur dans la conduite du changement. Il s’agit pour moi de faire preuve d’agilité, d’adaptabilité, d’écoute de disponibilité à l’endroit des patients, des agents et de la direction. Je me définis plus comme un « Chauffeur de bus » au service des acteurs experts. Ainsi, dans le cadre d’un itinéraire ou d’une organisation Co-construite institutionnellement avec les usagers, je facilite les modalités du voyage telles qu’elles ont été définies avec les passagers acteurs et m’enrichis de leurs contributions. J’assume pleinement la responsabilité que me confère le statut de « manager chauffeur » en adaptant ma conduite aux éventuels obstacles ou changements.
L’objectif est d’atteindre la destination avec l’ensemble des acteurs ; en d’autres termes, de faciliter l’intégration des nouvelles organisations par l’ensemble des acteurs pour leur épanouissement.
5 – Comment imaginez-vous le management de DEMAIN ?
Avec le développement des compétences et les facilités d’accès à l’information, j’imagine le manager de demain comme un « serviteur » encore plus polyvalent dans la coordination des acteurs. Je l’imagine plus comme un expert du pilotage de projets qu’un expert de l’organisation des soins.
6 – AMHG : Vous avez assisté aux JAMHG 2023. Selon vous quel est l’intérêt d’un tel rendez-vous pour les cadres/managers de santé ?
Ce rendez-vous est pour moi désormais incontournable. A mes yeux, il permet aux managers de confronter leurs réalités et d’identifier dans le cadre des ateliers ou des échanges formels et informels des outils, des leviers pour pallier leurs difficultés. C’est aussi l’occasion de dépasser les savoirs issus des grandes théories pour s’approprier un savoir expérientiel salutaire pour le management situationnel.
Ces journées de 2023 répondaient véritablement aux missions de l’AMHG et ont conforté ma conviction suivante « ANSANM NOU PLI FÒ » (ensemble nous sommes plus forts). Nous avons pu valider l’hypothèse de la nécessité du partage et du travail collectif au service de la réussite. Les témoignages m’ont incité à faire preuve d’un plus grand intérêt pour les organisations sanitaires des pays de la Caraïbe. Ce fut également pour moi un moment d’admiration face à l’ingéniosité et l’esprit d’initiative de nos frères de la Dominique.
Enfin, je retiens une grande leçon d’humilité face à la simplicité et l’authenticité des invités d’honneur qui ont fait preuve de générosité dans leur partage d’outils managériaux. Je fais ici allusion notamment à l’exceptionnelle Olivia RUFAT (Directrice des soins/Coordinatrice générale des activités de soins – CH. de Libourne et GHT Nord Gironde).
Merci de nous avoir concocté cette pertinente programmation !
7 – AMHG : Quelques conseils et/ou souhaits pour les managers de santé ? Et pour ceux qui souhaitent se lancer dans cette fonction ?
S’agissant des conseils ou souhaits:
– Évitons de nous isoler dans nos services et préservons nos valeurs soignantes
– Soyons à l’écoute des besoins des usagers et aussi de nos collaborateurs
– Valorisons les idées d’améliorations de nos collaborateurs
– Sachons combiner rigueur et humour
Pour ceux qui souhaitent se lancer :
– Éprouver votre choix en multipliant les échanges avec plusieurs managers
– Identifier un symbole qui résume votre vision du management
– Prenez le temps de questionner les motifs qui vous amènent à envisager ce projet
– Développer votre connaissance de notre système de santé
– Prenez du plaisir dans cette aventure
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Les petites confidences
Livre(s) : – « Indignez-vous ! », Stéphane HESSEL et « Conduire le changement avec la méthode ACE », Philipe DUMÉ, David BRIGGS
Sport(s) : Basket, Vélo
Loisirs : Cinéma
Musique : « SHAFT », Isaac HAYES
Plat préféré : Gratin dauphinois
Dicton ou Proverbe : – « AVAN ZYÉ A BOUKÈT TÉ KA FÈ SI, MOUCH TÉ KA VIV » (avant l’apparition des sécrétions séreuses de l’œil de l’âne, les mouches vivaient…Rien n’est indispensable). – « Si le problème a une solution, il ne sert à rien de s’inquiéter. Mais s’il n’en a pas, alors s’inquiéter ne change rien »
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L’AMHG remercie chaleureusement Hugues ISAAC pour sa contribution.
Parution 7 janvier 2024
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Aujourd’hui nous publions la 78ème interview, *nouvelle formule (bimensuelle).
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Prochain rendez-vous de l’AMHG : inscription obligatoire (le nombre de places est limité)
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Avec l’accord de Alexis BATAILLE et Alexandre NIGGEL – Un bel échange….
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