Les 7 questions de la semaine – Interview n°35 (S. AMETIS)

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Chaque semaine l’AMHG vous invite à faire connaissance avec un cadre/manager hospitalier du secteur public ou privé de l’archipel guadeloupéen.

Aujourd’hui nous allons à la rencontre de,

Sandra AMÉTIS
Cadre de santé paramédical, Pôle Intersectoriel de Psychiatrie, Service de Psychiatrie Légale
ESPM de la Guadeloupe

AMHG-1 : Pouvez-vous nous présenter votre service ?

Le Service de Psychiatrie Légale assure des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire au centre pénitentiaire de Baie-Mahault et à la maison d’arrêt de Basse-Terre, avec des consultations ambulatoires (entretiens infirmiers, psychologiques, psychiatriques), des activités thérapeutiques, et des prises en charge en hôpital de jour. De fait, vous présenter le S.P.L (Service de Psychiatrie Légale), c’est vous parler des 5 unités fonctionnelles (UF) :

  • Au sein du centre pénitentiaire de Baie-Mahault, 1 SMPR (service médico-psychologique régional) de Baie-Mahault,  1 Hôpital de Jour de 8 à 10 places
    • Au sein de la Maison d’Arrêt de Basse Terre
      • 1 antenne du SMPR
  • Au 2ème étage immeuble NEVADA à Jarry
  • L’E.A.P.L, l’espace d’accompagnement psycho-légale (EAPL) est un espace de consultation de psychiatrie et de psychologie légales extra-pénitentiaire, permettant de recevoir des adultes et des adolescents à leur sortie de prison ou les familles de détenus pendant leur incarcération.
      • Le CRIAVS, Centre de Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles s’adresse à tout professionnel ou institution confrontés à la question des violences sexuelles. Cette U.F permet de soutenir, venir en aide aux praticiens et aux équipes, de proposer des formations, offrir des bases documentaires regroupant ouvrages et textes sur le sujet en les mettant à disposition.

AMHG-2 : Quel est votre parcours professionnel ?

Après un parcours universitaire de premier cycle en droit à l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG), je passe le concours d’infirmière avec comme but d’aider l’autre.

J’ai eu mon diplôme d’état à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) du CHU de la Guadeloupe. Une petite promotion de 25 étudiants…nous arrivions au moment du changement de statut passant d’élèves à étudiants. Nous étions soudés : pas question que l’un ou l’autre abandonne…il y avait de l’entraide et une émulation.

A la fin de ma formation d’infirmière, nous étions « courtisés » par tous les hôpitaux qui venaient aux portes de l’IFSI pour nous faire des propositions d’embauches.

J’ai choisi la psychiatrie pour trouver des réponses à l’équilibre/déséquilibre mental.

J’ai exercé dans bon nombre de services de l’établissement. Ce qui m’a permis de développer de la polyvalence (Adultes, Enfants, intra-hospitalier, extra-hospitalier) dans la prise en charge des patients.

Durant ce parcours d’infirmière, je me lance des challenges comme avoir ma licence en Sciences de l’Éducation car je suis attirée par la formation, la pédagogie, une forte envie de faire de l’ingénierie…

Voulant m’engager dans mon établissement, je participe aussi bien aux groupes de travail, qu’au syndicalisme. Je cherche à comprendre le fonctionnement de mon institution et les leviers qui aident aux changements.

C’était les belles années du CHM où les syndicats jouaient leur rôle de contre-pouvoir, en étant force de proposition et se basant sur la réglementation.

Suite à mon parcours d’infirmière, j’ai passé le concours de cadre de santé. J’ai suivi ma formation à l’IFCS du CHU d’Amiens et en parallèle, j’ai obtenu une Maîtrise en Sciences Sanitaires et Sociales mention philosophie et sciences de l’éducation à l’université de Picardie Jules Verne en 2009.

A mon retour en Guadeloupe, j’ai été affectée dans les services du G03 desservant la population des communes de Baie-Mahault, Lamentin, Sainte-Rose, Deshaies sur l’extrahospitalier. C’était un véritable défi que de faire collaborer les trois équipe s : 2 CMP et un HDJ.

Puis en octobre 2011, je postule pour le SMPR. Ma candidature est retenue.

Parallèlement à ce poste, j’apporte mon aide en m’investissant à la Cellule d’Urgence Médico Psychologique (tremblement de terre d’Haïti, les cyclones Irma puis Maria, sans oublier la cellule RIPOSTE COVID).

Je manage en transversale un nouveau dispositif qui s’appelle VigilanS Guadeloupe et Iles du Nord. C’est un dispositif de veille post-hospitalière pour les suicidants de notre territoire afin de prévenir et limiter la récidive suicidaire.

AMHG-3 : Quelles sont vos missions actuellement ?

Ma mission générale est l’encadrement des équipes soignantes au sein des différentes UF dont j’ai la charge. En quelques mots, j’ai la responsabilité de la qualité des soins et de l’encadrement de proximité des équipes.

Je manage une équipe d’infirmiers en fixant des objectifs aux agents, en veillant à la qualité des soins apportés au patient, évitant les risques auxquels ce dernier peut être exposé. Dans ce cadre-là, en collaboration avec la qualité/gestion des risques, nous partageons la démarche qualité de l’EPSM : déclarations d’évènements indésirables, audits, patient-traceur, pour tenter d’apporter des mesures correctives aux professionnels dans le but d’améliorer les pratiques et éviter que cela se reproduise. On apprend toujours de ses erreurs. Nous sommes perfectibles.

Tout cela demande une collaboration constante et étroite avec les médecins et tous les autres professionnels du service. 

Je collabore avec l’administration pénitentiaire sans jamais oublier à quelle institution nous appartenons. Être délocalisé de l’EPSM, et exercer en milieu pénitentiaire, fait que j’accorde une attention importante et particulière à l’appartenance identitaire de l’équipe. En tant que cadre de santé, je fais en sorte que l’ensemble de l’équipe se sente appartenir à son institution.

La problématique de la double administration dans ce lieu qui n’est pas un lieu de soin comme les autres, peut-être délétère.

Le grand défi prochain sera celui de former une seule équipe avec le somatique autour de l’USMP (Unité Sanitaire en Milieu Pénitentiaire). 

AMHG-4 : Quelle est votre vision managériale et comment collaborez-vous avec vos équipes ?

Ma vision managériale a évolué au gré du temps, des équipes managées et des projets d’établissement.

A mes débuts, j’étais plus dans un management directif, autocratique donnant des directives, demandant à mes collaborateurs de rendre compte de ce qu’ils font. Avec ce management centré sur le résultat à atteindre, la tâche à accomplir, je n’ai pas trouvé une entière satisfaction car cela laissait peu de place à l’autre et à la créativité.

J’ai alors fait l’expérience du management appréciatif, capitalisant sur les forces des membres de l’équipe. J’ai été en mesure de valoriser les points forts des collaborateurs, quelle que soit la situation, afin de créer un environnement motivant et engageant.

Je peux dire aujourd’hui que je suis plus dans un management situationnel que j’allie à un management par projet et par la qualité, ce qui favorise le travail en équipe. Cela permet la remise en question vis-à-vis des pratiques professionnelles, pas uniquement celle des autres mais avant tout en commençant par soi.

Toutefois, vous dire tout cela n’aurait pas de sens, si je ne m’appuyais pas sur des valeurs que je tente de partager avec les autres professionnels. Je peux citer le RESPECT, la CONFIANCE, l’AMOUR DU TRAVAIL BIEN FAIT, la COMMUNICATION (laisser exprimer les opinions, avis et autres réflexions au sein d’une équipe)

Je collabore avec les équipes, dans un relationnel direct. Ma communication est spontanée avec des feeds backs réguliers, je suis à l’écoute.

J’aime organiser des réunions et être en proximité des équipes. Je priorise le travail en équipe pour les décisions collégiales. Il est très rare que j’impose sans concertation. Lorsque l’on accorde un espace d’échanges, les choses avancent plus facilement.

Communiquer et amener l’équipe vers une autonomie tout en détourant les limites de leur action. Le but, à long terme, est de leur permettre d’être capable de décider en collège de ce qui serait optimal dans la prise en charge du patient. Pour en arriver là, leur accorder le droit à l’erreur en réajustant au besoin fait partie de ma stratégie. De cette façon, ils font l’expérience qu’en règle générale toute décision n’est pas infaillible. J’ai le souci de libérer la parole à visée constructive.

S’agissant des autres professionnels collaborateurs, nous discutons de façon régulière sur la vision du travail afin de se rappeler le cap qu’il faut maintenir. C’est important pour moi.

Le manager n’est autre qu’un professionnel conscient que chaque agent arrive avec expériences, habitudes de travail, et valeurs. Il doit faire en sorte d’unir son équipe autour du projet de soins qui vise à mettre le patient au cœur de la prise en charge.

Nous nous devons d’être capable d’encourager, d’inspirer mais aussi et surtout d’écouter. A l’heure, où les formes de travail traditionnels « volent en éclats » (télétravail…), il faut penser à laisser aux collaborateurs toutes les voies ouvertes pour communiquer.

AMHG-5 : Quelle place accordez-vous à la communication dans votre collaboration avec les cadres/managers des établissements de santé ?

J’accorde une place importante et primordiale à la communication dans ma collaboration avec les cadres.

Une communication que je qualifierais de « développer » avec mes collègues de l’EPSM et pas assez avec les autres cadres des autres établissements. Cela manque et cela me manque.

J’utilise un outil essentiel aujourd’hui, le mailing. Il est omniprésent dans ma pratique, mais je fais le souhait d’une collaboration autre, d’échanges de pratiques et de décloisonnement.

Je reste persuadée que nous pouvons tous apprendre de chacun d’entre nous, tellement l’expérience de manager est singulière. Les problématiques sont certainement les mêmes, à des degrés différents et les moyens de les élucider et d’y apporter sens, gagneraient à être connus du plus grand nombre.

AMHG-6 : Les cadres/managers hospitaliers ont dû « réinventer » leur mode de management depuis l’apparition de la Covid. On parle depuis quelques temps de l’agilité du manager… Quelle analyse faites-vous ?

Durant cette crise, le manager que je suis, a vu et entendu des choses…bref (grimaces !!!).

Nous avons fait preuve de résilience, de solidarité, d’entraide face au stress des uns et des autres voire la panique. Et lorsque les choses sont teintées de complications, se rattacher à ses valeurs, permet de ne pas perdre le cap.

Alors, « réinventer », je dirais oui et non.

Oui, car cette crise est inédite, et en cela, nous avons affronté l’inconnu ; mais non…car, je crois que le manager avance pas à pas, tel un funambule perché sur son fil tendu au-dessus du vide, naviguant entre équilibre et déséquilibre (danseur de léwòz qui titube mais ne tombe pas), maintenant le cap du soin.

Cela demande bien d’être agile, en équilibre pour aller d’un point à un autre…tout en regardant la beauté du paysage.

J’aime assez cette l’image de ce sport extrême « la slackline », pas vous ?

AMHG-7 : Quel message souhaitez-vous faire passer aux cadres/managers ?

Ne jamais rester seul dans une situation qui nous semble compliquée, et dans laquelle nous perdons pied. Il est important de trouver ou d’avoir une personne ressource vers qui se retourner ou à qui passer le relais. Travailler en équipe est facilitateur.

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Les petites confidences :

Livre(s) : Votre temps est infini (Fabien OLICARD) – Les quatre accords toltèques – Les langages de l’amour – ma Bible
Sport(s) : handball – marche – randonnée – course – natation
Loisirs : Voyage – lecture – mes plantes
Musique : Eclectique, j’écoute de tout…Gwo-ka, Chevalier Saint-Georges (classique), Georges Benson, Aretha Franklin, rétro zouk, zen ou médiation musique, même Lil’Nas (rires…)
Personnalités préférées : Gerty ARCHIMEDE – Simone SCHWARZ-BART – Gisèle PINEAU – George TARER – Gérard LAURIETTE – Hector POULET et Sylviane TELCHID
Plat préféré : riz blanc/lambis – poissons frits – poyos- bananes jaunes et morue à l’oignon (avocat+piment) – rougail saucisses/achard piments (bonjour la Réunion !)
Coup de cœur :  ma famille, une psychologue et un psychiatre dont je tairais les noms…
Dicton ou proverbe : « Je fais ce que je dis et je dis ce que je fais », « la confiance n’exclut pas le contrôle », « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur » proverbe africain.

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L’AMHG remercie chaleureusement madame Sandra AMETIS pour sa contribution.

Parution : 27 février 2022

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L’AMHG remercie :

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HSSC – Hygiène Santé Caraïbes, Ambulance Les Acacias,
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Partenaires de l’AMHG : cadredesante.com, ANCIM, managersante.com, Solutio-Group, Revue hospitalière de France, Collectif formateurs en santé, chacari, Groupe PSIH

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